samedi 22 janvier 2011

En pantalon à la soirée de la jupe, par Camille Polloni

Mémorable soirée au Palais de Tokyo où l’association Ni putes ni soumises organisait une vente aux enchères de jupes appartenant à des personnalités pour la journée contre les violences faites aux femmes.

Ni putes ni soumises est contre le viol. Les Inrockuptibles, magazine engagé, ne peut qu’approuver et enchérir: non aux viols, non aux prises d’otages, non à la séquestration du prix Nobel chinois, non à l’exploitation sexuelle des enfants, non aux vols d’iPhone. C’est dit.

Jeudi soir donc, on luttait contre le viol au Palais de Tokyo, à Paris. En jupe, comme la journée qui lui est dédiée, parce que la jupe représente la féminité et vice versa. Toute nana normalement constituée incapable de se départir de son pantalon un 25 novembre (3° à Paris) ou émettant un doute sur le symbole suscite des regards de type: “Elle est pas bien celle-là, c’est quoi son problème.” Mais tout le monde reste très poli. On est là pour faire le bien.
Mannequins suspendus
Flagrante marque de sexisme: tous les vigiles sont des hommes. Indignation mentale. La salle, tu vois, c’est du béton au sol, des photos de meufs sur les murs et des jupes de célébrités suspendues tout le tour sur un bas de mannequin, avec un triangle bleu en néon (comme les colliers minables du 14 juillet qui arrêtent de faire de la lumière avant la fin du feu d’artifice) accroché en dessous, pointant vers le nom de la pimpante célébrité écrit par terre.
Pour qui kiffe les jupes, c’était the place to be. Rouge (Isabelle Alonso), à nénuphars (Agnès B.), noire et plissée (Sophie Marceau), écossaise (Inès de la Fressange), droite (Fanny Ardant). Elisabeth Badinter est écrit EliZabeth Badinter, ce que remarque immédiatement une blonde en mini-jupe. Comme quoi... Faut-il le préciser, toutes ces stars internationales ayant mieux à faire que d’aller vendre elles-mêmes leurs fripes aux enchères, on ne les a pas vues. Adjani était au Luxembourg, paraît-il.
Des scouts, Fadela Amara, Raymond Domenech
Destin implacable de l'association Ni putes ni soumises, il y a beaucoup de journalistes et pas de gens. Ah si, une délégation du scoutisme française. Une sorte d’animatrice vient les voir, et tente: “Alors les filles? C’est soirée aïpe? Soirée fachione?
Mais oui, grave. Alors que la lumière rose et la musique lounge résonnent dans une ambiance salon Air France / morue de cocktail, LES PEOPLES ARRIVENT. Tous en même temps, une nuée de photographes les attend en haut de l’escalier, ils montent les marches comme à Cannes. Du lourd : Raymond Domenech et madame, Cyril Hanouna, Corinne Lepage et Fadela Amara, ouiiiiiiiii, la vraiiiiiie Fadela.
Sapristi de crénom d’une chienne de garde. Fadela Amara porte un pantalon. Devant les caméras, elle appelle à “assumer sa féminité, ne pas se cacher derrière des vêtements”. Peut-être n’a-t-elle pas compris qu’une caméra, ça filme. Peut-être le plan serré sur son visage l’épargnera de l’humiliation éternelle.
Qui veut la jupe d'Anne Roumanoff?
Techniquement, la soirée est difficile. La musique empêche d’écouter les conversations de tous ces gens qui ressemblent vaguement à des gens connus (notamment un sosie de Fidel Castro aux alentours de 1994) mais n’en sont pas. Pour nous aider, un homme porte un pull “Skilled guitarist”. Laisse moi deviner, tu es Jimi Hendrix? Il y a aussi une femme voilée en jupe longue. No comment.
Deux vieilles dames discutent. L’une ronchonne, l’aspect “show business” l’ennuie. L’autre la réconforte: “Oui mais le but c’est de faire de l’argent, elles sont obligées d’avoir des noms connus. C’est comme quand tu vends une toile de Damien Hirst, tu vends pas la toile d’un inconnu.” Un homme essaie de s’insérer dans son groupe de copines : “C’est vrai que c’est... c’est plutôt... bah tu vois c’est important.”
Dehors, autour du cendrier, des filles se plaignent de se faire siffler 40 fois par jour dans la rue. Mais il faut vite remonter, les enchères commencent. Le pitch : les jupes de stars citées plus haut vont à présent être vendues pour une bonne cause, la construction d’appartements relais pour les femmes victimes de violence. Une opération “vends ta jupe, fais pas ta pute”, en quelque sorte.
La présidente de Ni putes ni soumises, Sihem Habchi, remercie les gentils sponsors, dit que l’égalité c’est important et souhaite à Fadela Amara une bonne carrière politique. Celle-ci rit, probablement consciente de sa propre actualité.
Le président du palais de Tokyo, Pierre Cornette, assisté de Monia, jouera le commissaire-priseur. Ça tombe bien, c’est son métier. “Tous ceux qui utilisent la violence sont des lâches et des imbéciles”. Alors là, il a bien raison. La jupe d’Agnès B. part à 1000 euros, comme à peu près toutes. Cependant, personne ne veut de celle d’Anne Roumanoff et c’est très triste. La moitié ”journalistes” de l’auditoire sourit vaguement quand on présente la jupe de Claire Chazal comme “cousue sur fil d’AFP”. Pouët pouët.
Ah, j’ai 1000 euros par ici”, s’exalte Pierre Cornette, qui possède un rire très angoissant. “J’ai dit 600”, répond le client. Petit malaise au moment de mettre en vente la jupe de Daphné Bürki, “qui se zippe et se dézippe facilement”. Ne pas relever. Ne pas relever.
Un mécène de jupes
Une consoeur journaliste nous le fait remarquer avec délicatesse: “En fait y’a que Domenech et sa femme comme peoples”. “Non, y’a Cyril Hanouna aussi.” “C'est qui?” “Euh sinon y’a Corinne Lepage”. “Ah ah ah.”
Monia clôt la vente: “Il nous en reste deux ou trois et ça se vide cruellement autour de nous, si vous pouviez vous rapprocher je me sentirais moins seule.” Elle veut en réalité annoncer une surprise de taille 36: “Cette jupe a été effleurée de la main par Nicolas Sarkozy, parce qu’elle appartient à Carla Bruni.” C’était “pas prévu” assure l’organisation. Genre, la fille qui sert de mannequin s’est changée dans les chiottes alors que Carla Bruni avait fait amener sa jupe par convoi exceptionnel? Fous toi de ma gueule.
Un monsieur, Abdel Aissou, a raflé les trois quarts de la vente. Au micro, il se décrit comme “un chef d’entreprise, compagnon de route de Ni putes ni soumises depuis le début”. Il est modeste, mais aussi énarque, “Monsieur diversité 2007”, ancien membre du cabinet de Villepin à l’Intérieur, chargé de remettre un rapport à Fadela Amara quand elle était ministre de la Ville, pote de Domenech. Et surtout, sauveur de la soirée. 11000 euros récoltés en tout, de tête environ 7000 de sa poche, merci à lui.

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