mercredi 20 octobre 2010

Tout sur le zizi, par David Desgouilles

Le tribunal correctionnel de Dijon a rendu son verdict. Jean-Paul Laligant, instituteur près de Saulieu, a été condamné en première instance à 500 euros d’amende avec sursis, ce qui lui vaudra une inscription à son casier judiciaire.

Rappel des faits1. En septembre 2008, des élèves de sa classe de CM1 viennent le voir pour l’informer qu’un de leurs camarades « montrait son zizi ». Il a alors demandé au gamin en question de venir à son bureau et, sortant de son cartable le cutter dévolu aux travaux manuels, a exhibé ce dernier en lançant sur le ton de la plaisanterie : « Je coupe tout ce qui dépasse ». Il s’en expliquera plus tard avec les parents de l’élève. Fin de l’histoire, croit-il naïvement.
Car, deux mois plus tard, il a la mauvaise surprise de se retrouver en garde à vue à la gendarmerie la plus proche. L’histoire a fini par arriver aux oreilles de la maréchaussée qui, semble t-il, a trouvé les mots pour convaincre les parents du gosse de déposer plainte. Pour se rendre compte du mal que gendarmerie et Parquet se sont donnés pour coincer ce dangereux terroriste, les parents retireront même leur plainte plus tard, ce qui n’éteindra pas les poursuites à son encontre. Finalement, le tribunal a suivi les réquisitions du Parquet : Jean-Paul Alligant est bien coupable (sic) de violence sur enfant de moins de 15 ans. L’élément intentionnel serait, d’après le substitut du procureur, constitué par la « volonté de faire peur, d’intimider l’enfant ».
Il n’est pas ici question de discuter cette décision de justice même si, l’accusé ayant fait appel, celle-ci n’est pas définitive. Je préfère réfléchir sur cette drôle d’époque dans laquelle un instituteur, bien noté, est traîné devant la justice pour un tel motif. Comme le dit un parent d’élève, soutien de l’instituteur, lequel d’entre nous n’a pas entendu un enseignant lancer à un élève trop bavard qu’il allait lui couper la langue ? Et, heureusement, ce dernier n’est pas traduit en justice2. Convenons donc que c’est bien le zizi qui pose problème. Comment la gendarmerie et le parquet3souhaitaient-ils que le maître d’école réagisse ? Il ne faut pas faire peur à l’enfant et ne pas l’intimider. J’en viens donc logiquement à penser qu’il ne fallait pas non plus l’humilier. Horreur. Pas question, donc, d’utiliser une formule comme : « Ce n’est pas avec ça que tu vas faire peur à tes petites camarades », formule  que certaines femmes à la répartie facile ont pu utiliser efficacement en rencontrant un homme nu sous son imperméable. Pas question non plus de tenter le célèbre : « Range ça, tu vas prendre froid. » Encore que, en septembre dernier, la grippe A n’était pas encore là. Ces deux expressions, n’en doutons pas, n’auraient pas trouvé davantage grâce auprès des autorités susnommées en raison de leur caractère exagérément humiliant et pouvant générer des séquelles psychologiques importants. Et les gamines qui voyaient l’engin de leur camarade pendant la classe ont-elles été traumatisées ? Pas davantage, certainement, que le gamin en question devant le cutter.
Mais j’ai la faiblesse de penser que si Jean-Paul Aligant avait été inerte devant l’acte d’exhibition de l’élève et qu’il se soit trouvé un parent pour s’en plaindre, on lui aurait reproché de ne pas avoir alerté les autorités compétentes et donc empêché que celles-ci déclenchent l’ouverture d’une cellule psychologique dans la classe, voire toute l’école, et promette au gamin un suivi particulièrement drastique.
Ce qu’on reproche à Jean-Paul Aligant, en fait, ce n’est pas d’avoir été violent. C’est de ne pas avoir suivi les nouveaux codes de l’époque. Tout doit être judiciarisé. Tout est psy. L’enfant a toujours raison4. Et en matière pédagogique, l’improvisation n’a pas sa place. La pédago, c’est scientifique. Comme le reste, cela obéit à des protocoles :  H.A.C.C.P5 for ever !
Je vais vous faire un aveu : je ne suis pas très optimiste. Ce procès, celui de cet instituteur, n’est que le premier d’une longue liste. Bientôt, ce n’est pas seulement à l’Ecole qu’il faudra faire attention à nos mots mais sur notre lieu de travail, dans la rue même. Pas de blague cochonne sans harcèlement sexuel. Évidemment, pas de plaisanterie sur la religion6 ni sur le handicap. Le nouveau puritanisme ne semble pas beaucoup plus sympathique que l’ancien7. Pour inverser la tendance, il va falloir beaucoup de boulot. Et encore faut-il en avoir la volonté.
  1. Pour davantage d’informations, vous pouvez notamment vous reporter à l’article du Bien Public
  2. Pour combien de temps ? 
  3. Et même l’inspecteur académique de Côte d’Or qui a suspendu le prévenu, lui accordant en plus de son silence radio sur l’affaire, l’aumône du maintien de son traitement. Ouf ! 
  4. On croyait pourtant qu’avec Outreau, on en avait fini avec cette bêtise. Pas de bol ! 
  5. Hazard Analysisis Critical Control Point (Analyse des dangers – points critiques pour leur maîtrise.) ; il s’agit d’une méthode mise au point par la NASA et qui a été importée en Europe surtout dans le domaine de l’hygiène alimentaire. Mais pas seulement : aujourd’hui, dans de nombreux secteurs (la comptabilité, l’administration, etc.) on met en place ce genre de protocoles en Europe alors que les Américains, eux, seraient davantage enclins à les abandonner 
  6. Toute règle a son exception : en l’occurrence, ce sont les cathos 
  7. Sur ce sujet et notamment l’évolution du « politiquement correct », on relira la note que j’avais consacré à l’affaire DSK-Guillon, Don Juan n’est pas un rigolo 

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