Il est difficile de l’ignorer, sauf à boycotter radios, télévisions, presse et devantures de kiosques : Michel Onfray vient d’ajouter Sigmund Freud à son tableau de chasse. Après Saint-Paul et Mahomet, déclarés responsables de tous les maux de la terre par le plus médiatique des hédonistes libertaires, c’est au tour du fondateur de la psychanalyse de payer pour ses péchés : imposture, affabulation, arrivisme et complaisance pour le fascisme ! Faisant feu de tout bois, et notamment de ces combustibles bon marché que sont le contresens, la contre-vérité, l’approximation, le raccourci et le moralisme le plus grégaire, Michel Onfray nous explique même, entre mille autres perfidies, que Sigmund Freud était, tenez-vous bien, la faute est accablante... cocaïnomane ! Il se trouve que la chose était (très) connue (en gros : par quiconque a visionné un 52 minutes sur la vie de Freud, ou lu sa notice wikipedia), mais personne n’avait encore songé à en faire un argument à charge contre une oeuvre théorique et clinique – sinon quelques énervés à la droite de la droite et dans les franges les plus puritaines du troisième âge. Sans être, au collectif Les mots sont importants, des inconditionnels de Freud et du freudisme, et tout en étant même sensibles à certaines critiques au vitriol comme celles de Gilles Deleuze et Félix Guattari [1], nous ne pouvons nous empêcher de trouver lamentable ce réquisitoire aussi outrancier dans sa forme qu’indigent sur le fond, et fatigante cette manie qu’ont les philosophes télévisuels de décrocher lejackpot éditorial en crachant sur le cadavre d’un grand penseur : après BHL et Marx, Luc Ferry et Foucault, Comte-Sponville et Nietzsche, Nathalie Heinich et Bourdieu, voici donc Onfray et Freud... Plutôt que de perdre de l’énergie à déconstruire un livre qui n’en vaut pas la peine, au risque en outre d’alimenter le buzz onfresque, il nous paraît plus constructif de conseiller la lecture de Deleuze et Guattari, et celle des passionnants livres de Freud que sont notamment Le malaise dans la civilisation, L’avenir d’une illusion, L’inquiétante étrangeté ou encore les Cinq leçons sur la psychanalyse... Et pour ce qui concerne Michel Onfray, il nous paraît suffisant et nécessaire de populariser à nouveau une récente proposition de loi élaborée par la SPINOZA (Société Pour l’Interdiction des Nuisances Onfresques Zet Anarchoracistes)
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Exposé des motifs
Nous considérons que la méthode est excellente : dans notre démocratie malade et dévirilisée, il est temps de remettre un peu d’interdit et de répression. Il faut, pour reprendre le joli mot de Fadela Amara, éradiquer ! [2] Ou pour reprendre les jolis mots de Nicolas Sarkozy : liquider et nettoyer ! Ou, pour reprendre le joli mot d’Élisabeth Lévy : remettre un peu de schlague ! [3]. Mais nous estimons qu’il y a erreur sur la cible. Nous considérons quant à nous que l’urgence, pour la sauvegarde de la démocratie, pour l’avenir de la pensée et pour notre épanouissement personnel, est à une interdiction absolue de tout affichage ostensible de la grande gueule de Michel Onfray – dans le services public de télévision et de radiodiffusion, naturellement, mais aussi dans les lieux d’enseignement et de recherche, dans les administrations, dans les hôpitaux et dans tout l’espace public.
Il s’agit pour nous d’une question de principe : Michel Onfray doit être banni de l’espace public car il est incompatible avec les valeurs de la démocratie, de l’émancipation humaine et du simple bon goût. Sa suffisance et ses poses philosophantes sont une insulte ostensible à toute la corporation des philosophes ; son catéchisme antireligieux est une insulte à ce que la libre-pensée a produit de meilleur ; son anticalotinisme crétin, son hédonisme benêt et son aristocratisme puant sont une insulte à Épicure, à Lucrèce, à Spinoza, à Nietzsche, à Deleuze, à Bourdieu et à tous les grands auteurs dont il se réclame et qu’il ne fait que trahir, salir et détourner à son profit.
Sur le plan idéologique, la duplicité est encore plus stupéfiante : comme pour mieux nous embrouiller, Michel Onfray se dit lui-même, et sans rire, libertaire et libéral [5], gauchiste etgaulliste [6], anarchiste et partisan de l’économie de marché [7], propalestinien etsioniste [8]. Il affirme également, sans honte, que c’est Camus qui avait raison contre Sartre sur la question algérienne – en clair : qu’on a raison, lorsqu’il s’agit d’Algériens, de « préférer sa mère à la justice » et de refuser à un peuple le droit de disposer de lui-même.
Si Michel Onfray se réclame volontiers du peuple de gauche, la seule compagnie populaire qu’il affectionne est une petite bourgeoisie suffisamment docile et complexée pour aller l’écouter religieusement lorsqu’il pontifie à « l’Université populaire de Caen » [9]. En dehors de cette relation pas franchement libertaire et égalitaire avec une plèbe pas franchement plébéienne, l’engagement politique de Michel Onfray se résume à :
Par ailleurs, puisque la question du sexisme a été soulevée à propos du voile, nous tenons à préciser que Michel Onfray est un gros sexiste. Son Panthéon est quasi-intégralementcouillu, son œuvre totalement androcentrée, son ethos et ses postures ridiculementvirilistes.
Il ne faut pas oublier non plus le misérable concours de bites télévisuel auquel Michel Onfray se livra un jour avec le romancier François Bégaudeau : le jeune coq venait de publier un Anti-manuel de littérature presque aussi mauvais que l’onfresque Anti-manuel de philosophie, et le vieux coq, en bon capitaliste libertaire, pour le coup plus capitaliste que libertaire, était sorti de son épicurienne ataraxie [12] et avait eu l’élégante idée de réclamer des royalties pour le « concept » tellement génial et tellement novateur de l’anti-manuel ! Le masque tombait définitivement : derrière les austères lunettes rectangulaires et la philosophale crinière grisonnante, un petit entrepreneur obsédé par l’argent. Sous le costume trop grand pour lui du sage qui méprise les « désirs vains » de gloire et de fortune [13], un petit Jacques Séguéla, sans la Rolex et les UV.
De surcroît, en bon VRP de lui même, Michel Onfray surfe depuis longtemps sur la vague islamophobe qui s’est emparée du pays [14] :
On se souvient en outre d’une récente émission (« Ce soir ou jamais » du 5 novembre 2009) au cours de laquelle il fit preuve d’une paternalisme inouï à l’égard d’Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la republique. Cette dernière le lui fit remarquer simplement, poliment mais fermement, ce qui provoqua cette réaction extravagante en forme d’aveu :
« Arrêtez, sinon je vais finir par embrasser Éric Besson sur la bouche ! ». [19]
Et pour finir en apothéose, lui qui vendrait père, mère, frères, sœurs, fils, filles et amis pour une minute de prime time chez Frédéric Taddéi, Guillaume Durand ou Franz Olivier Giesbert, lui qui n’a jamais participé à quoi que ce soit de collectif dont il ne soit pas le chef, lui qui n’a sans doute pas collé d’affiches ou distribué de tracts depuis fort longtemps (à moins que ce ne soit depuis toujours), lui qui ne roule que pour lui-même, lui qui ne vit que par et pour les grands médias, Michel Onfray donc, a jugé utile d’aller, dans une tribune publiée par Le Monde le 19 février dernier, cracher son venin sur Ilham Moussaïd, « la voilée du NPA », en lui reprochant devinez quoi, à elle, jeune femme issue des quartiers populaires d’Avignon, elle qui milite au quotidien dans un parti anticapitaliste, elle qui n’a rien demandé à personne et qui s’est fait littéralement harceler par les grands partis et les grands médias ? En lui reprochant de n’être qu’une petite écervelée en quête de… gloire« médiatique » ! [20]
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres qu’on ne saurait répertorier ici de manière exhaustive , mais auxquelles pourra se consacrer une mission parlementaire , nous estimons qu’il est urgent de réagir. Un bras de fer s’est engagé entre la démocratie et l’occidentalisme intégriste de Michel Onfray. Seul un signal fort pourra mettre un frein au communautarisme blanc, à l’obscurantisme franchouillard, au mépris social et à la haine raciale dont Michel Onfray est le porte-drapeau. C’est pourquoi nous soumettons au peuple de France la proposition de loi suivante.
La grande gueule de Michel Onfray est interdite dans l’ensemble de l’espace public.
Toute infraction à cette loi est punie d’un entartage.
P.-S.
La SPINOZA est la Société Pour l’Interdiction des Nuisances Onfresques Zet Anarkozystes. Cette initiative est soutenue par Abd-El-Kader Aït Mohamed (militant antilibéral et antiraciste), Nathou Bouh (militant queer), Sylvain Chomienne (étudiant), Philippa Dott (étudiante), Patrick Druart, Sam Cabannes, Causeuse Musulmane (bloggeuse), Marie Geaugey (étudiante), Nolwenn Guellec (chargée de production), Judith Lefèvre (secrétaire du Collectif des féministes pour l’égalité), Hakima Manseri, Sébastien Marchal (graphiste), Maria Grazia Meriggi, Anne Leila Ollivier (chomskienne favorable à une interdiction de causer essentiellement symbolique), Nicolas Plagne (enseignant), Damien Préault,Princesse de Clèves Islamogauchiste (bloggeuse), Faysal Riad (enseignant), Maël Richard, Lubomira Rydzek, Claudine Vegas, Pierre Tevanian (enseignant), Michel Tibon-Cornillot (philosophe, EHESS), Rémi Verbraeken (dessinateur), Roger Zandonella
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